Pourquoi il faut défendre Mme Najat Vallaud-Belkacem
Je sais bien que le philosophe est supposé conserver son sang-froid en toutes circonstances, scruter les événements au moyen de la raison et s’abstenir de succomber aux passions dévastatrices. Il lui arrive parfois de déroger à cette règle lorsque, guidé par une sainte colère, il sort de sa réserve pour se dresser contre l’injustice et s'efforcer de rétablir la vérité. En la circonstance, il s'agit d
Mme Najat Vallaud-Belkacem en raison de son sexe, de son âge, de ses origines, de ses convictions et de sa fonction.Il ne s’agit pas ici de sauver le soldat Vallaud-Belkacem (sa carrière politique ne regarde qu'elle), ni d’aduler une icône (une image sacrée qu'on utilise pour créer du consensus). Il s'agit de défendre un certain idéal de justice: car dans chacun des motifs invoqués par ses détracteurs, j’y trouve au contraire d’excellentes raisons pour défendre Madame Najat Vallaud-Belkacem. Car il ne faut pas s'y tromper: à travers elle, c'est la République qui est visée, dans ses institutions, dans ses valeurs et dans ses idéaux: la condition de la femme, l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité, le code de la nationalité, la place de la jeunesse dans notre société et l'avenir que nous voulons pour elle.
Une femme à la tête de l'école de la République?! C'est un tabou qui tombe et un verrou qui saute. On ne peut que s’en réjouir. Jules Ferry l'aurait-il imaginé? Rien n'est moins sûr... Pour ma part, j'y vois le signe indéniable et réjouissant d'un progrès. Je sais que bien des hommes regardent d'un très mauvais oeil cette "montée en puissance" du rôle des femmes. Mais quoi? Les femmes constituent la moitié de l’humanité et concourent au développement de l'économie, de la société, des arts, de la culture, des mouvements associatifs au même titre que les hommes. Par conséquent, le fait que l’une d’entre elles soit enfin placée à la tête d'un si grand ministère ne doit-il pas être regardé comme un signe de justice et de progrès?
Dès l'annonce de sa nomination au poste de ministre de l'Education nationale, ses détracteurs ont fait feu de tout bois pour la destabiliser (et à travers elle, tout le gouvernement), en
diffusant de documents grossièrement falsifiés pour jeter le discrédit sur sa personne. Certes, on a beau savoir que les procès en légitimité ne condamnent que la bêtise et la malveillance de leurs auteurs, et non les personnes qui en sont la cible. Mais une fois lancés les brûlots de la haine et de l’imbécillité, l’incendie se propage et devient rapidement incontrôlable. C’est ce qui advient lorsque des élus de la République - grassement payés pour servir l'intérêt général - commencent à contester les lois de la République, à attiser et à instrumentaliser la bêtise et la haine pour servir leurs ambitions personnelles.Les lois sur la liberté de la presse et la liberté d'expression déterminent les conditions d'exercice, les limites
que les sanctions en cas d'abus. Il se trouve que Madame Najat Vallaud-Belkacem a jugé préférable de ne pas porter plainte devant les tribunaux. Elle feint même de les traiter avec humour et détachement. C'est sans doute En tout cas, j'admire cette démarche car elle témoigne d'une grande maturité et d'une vraie sagesse (cette dernière est l'art de combiner tout ensemble la sagacité, le calcul, la patience, la prudence, la ruse et l'endurance).Madame Najat Vallaud-Belkacem n’a jamais caché ses convictions: elle est résolument une militante de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les secteurs de la vie sociale, économique et politique.
Egalité, fraternité. A en croire ses détracteurs, Madame
prône des idées à ce point subversives qu'elles menacent d'ébranler la République...Que faut-il en penser? Faut-il en rire ou en pleurer?
Inversement, comment se fait-il que la question de l'égalité puisse déclencher dans ce pays des polémiques aussi virulentes et des résistances aussi opiniâtres? En vérité, cela tend à prouver qu'il ne suffit pas de proclamer des principes généraux et généreux, mais que le plus difficile est de les appliquer bien, dans la réalité concrète de la vie sociale. Mais pour y parvenir, il faut affronter deux difficultés: l'une qui est d'ordre philosophique, l'audre d'ordre politique.
La seconde difficulté consiste à inscrire concrètement dans les faits
donc de s’attaquer aux racines du mal, à savoir les clichés et les stéréotypes qui, consciemment ou non, confortent le pouvoir des hommes et maintiennent les femmes dans une position subalterne.d'«ayatollah de la rééducation». En d’autres termes, elle est accusée d'être une fanatique qui imposerait chercherait à transformer l’Ecole de la République en un immense camp de rééducation de la jeunesse à ciel ouvert, sur le modèle des laogaï chinois ou des goulag soviétiques. L’accusation vient d’un homme qui a pignon sur rue mais qui, assurément, semble affligé d’une très mauvaise vue, car, comme chacun sait, les ayatollahs sont la plupart du temps des vieillards barbus et couillus. Or, ce portrait n’est guère ressemblant avec celui de En outre, ce thuriféraire des grands capitaines d’industrie et des patrons du CAC 40 (au passage, ce sont des hommes dans leur immense majorité; les femmes n’ont pas accès à ces hautes responsabilités) fait preuve d’une inconséquence assez remarquable. Car lorsqu’on lui pose la question, il se refuse à admettre que la une de son journal contient des propos ouvertement racistes et sexistes. Or, de deux choses l’une: ou bien ce journaliste ne sait rien ni du sens ni de la portée des mots qu’il publie, ce qui est fâcheux; ou bien, au contraire, il ne les connaît que trop bien, en use et en abuse pour manipuler l'opinion, ce qui est ignoble. Entre inconscience et forfaiture, il faut choisir.
Pour ma part, je vois dans cette dénégation la signature du parfait salaud. On prétend promener son caniche; en réalité, on lâche le pitbull.
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