Solstice d’été
Je suis ravi de célébrer le solstice d’été, lequel doit beaucoup à l’alignement des planètes et fort peu au calendrier des hommes. Fête païenne par excellence, elle est l’occasion de célébrer l’appartenance commune de tous les êtres humains au grand tout de la Nature. Bien entendu, cette appartenance vaut tout autant pour les bêtes ; mais ces dernières n’en sachant rien, elles ne peuvent rien en penser, rien en dire, et donc rien célébrer du tout.
Ici et là, dans les campagnes surtout, on allume encore les feux de la Saint-Jean, tant il est vrai que, par un habile subterfuge, les autorités ecclésiastiques ont conjoint dans le calendrier la célébration du solstice et celle de l’apôtre Jean.
Mais en ce début de siècle déchristianisé, la tradition a perdu de sa superbe et de son lustre. Ne reste donc que l’essentiel : l’inclinaison de l’axe de la Terre par rapport au soleil, avec pour conséquence l’allongement maximal du jour dans notre hémisphère. Aujourd'hui, il est aisé de visualiser le mouvement des astres, grâce aux images dynamiques que la science et la technologie mettent à la disposition du grand public. Quel prodige que cette nature infinie désertée par les dieux !
Mais, me dira-t-on, une telle célébration n’est-elle pas purement symbolique et surtout très abstraite ? Après tout, cette journée de travail ne se distingue en rien de toutes les autres. Et que nous importe cette appartenance cosmique au tout de la Nature puisque, comme une grande part de la population mondiale, nous vivons enserrés dans l’espace des villes ?
Mais quoi ? Notre corps ne frémit-il pas lui aussi sous la morsure du froid, de la soif ou de la faim ? A travers le charivari des hormones, n’éprouve-t-il pas les mouvements de la sève à l’œuvre partout dans la nature ? L’éclosion du désir, dans ses prémices, n’est-elle pas l’expression de la puissance créatrice de la Nature à l’œuvre en chacun de nous ? Enfin, la pensée en chacun de nous est-elle autre chose que la capacité de l’intellect à produire et à enchaîner des idées, rendue possible par la structure complexe et la puissance infinie de notre cerveau ?
Dans l’abandon des croyances et des dogmes religieux, nous avons gagné une somme non négligeable de clarté et de liberté. Mais y avons-nous perdu le sens de l’étonnement ? Pour l’humanisme classique, l’homme est un animal étrange, le seul capable d’établir et d’honorer la conjonction entre le microcosme et le macrocosme. C’est d’ailleurs dans cet art de l’entrelacs que réside sa dignité.
Que cette fête du solstice soit aussi celle de la musique lui confère un surcroît de sens et de beauté. La musique n’offre-t-elle pas une passerelle idéale pour rétablir dans notre âme l’harmonie entre la terre et le ciel, entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, entre le visible et l’invisible ?

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