Pour un droit des bêtes.
En réponse au texte de la conférence du philosophe américain
, théoricien des droits des animaux, donnée à l'Institution Royale de Grande-Bretagne (à Londres en 1989), que vient de retransmettre par le site IPhilo (voir le texte en annexe).Je pense comme
que la question d’un droit des bêtes est une question philosophique vraiment importante, en même façon que celle du droit des femmes, ou que celle du droit des enfants qui furent débattues en d’autres époques. La conférence présente cette double qualité d’assumer ouvertement une logique de la compassion à l’endroit des bêtes et, par ailleurs, de rassembler de façon aussi pédagogique que possible les arguments (pour et contre) qui structurent le débat. Cette conférence apporte des éléments importants sur une question qui commence à être entendue par un public de plus en plus large en France, notamment grâce aux merveilleux travaux de Madame Elisabeth de Fontenay ou , encore, de Monsieur Boris Cyrulnik.Néanmoins, la conférence soulève dans mon esprit deux objections possibles.
Pourrait-on concevoir un droit unifié s’appliquant aux bêtes comme aux hommes, et qui ne prendrait pas en considération la différence qui les sépare (même si celle-ci n’est pas de nature, mais seulement de degrés)?
Car l'affirmation que les animaux sont des êtres "semblables aux hommes" me semble excessive, plus propre à susciter d'inutiles et contre-productives polémiques qu'à faire positivement avancer le débat. La logique de la compassion est louable en son fond. Mais elle manque singulièrement de force, et ne saurait suffire à emporter l'adhésion du plus grand nombre.Je crois qu'il faudrait en effet veiller à fonder solidement les principes d'un droit des bêtes. Mais sur quelles bases? Là est tout le problème. Tom Regan pointe cette difficulté majeure: les bêtes existent, vivent, se reproduisent, éprouvent des sensations, des émotions. Mais elles ne peuvent évidemment rien revendiquer, car la notion d'un droit ne saurait faire sens du point de vue qui est le leur. De sorte qu'il ne reste que la compassion dont les hommes seraient supposés devoir faire preuve à l'égard des bêtes. Mais sur quoi fonder ce devoir de compassion et comment le faire appliquer dans les faits?
Ou alors, il faudrait en effet parler du droit des montagnes à ne pas être éventrées pour que les hommes y ouvrent des carrières ou y creusent des tunnels; ou encore du droit des arbres à ne pas être décimés pour fournir des matérieux de construction et de chauffage pour les hommes, etc...
L'objection en a été faite à Tom Regan. Et elle me semble très forte en effet.
Ensuite, la philosophie morale peut-elle, avec ses seules forces, mener ce combat? Ou ne doit-elle pas au contraire rechercher des alliés du côté de l’éthologie animale qui se fonde sur des faits précis, des expérimentations sur les différentes d’intelligence animale?
Or, tant que les êtres humains n'auront pas été éduqués à l'idée que les animaux possèdent des trésors d'intelligence dont les hommes pourraient utilement s'inspirer (pour ne prendre qu'un seul exemple: les dauphins peuvent aider des enfants autistes à sortir de leur silence et de leur incapacité pathologique à communiquer avec leurs semblables), il y a -hélas!- fort à parier pour que le sort des bêtes et la reconnaissance de leur dignité ne s'améliorent pas.
Soyons réalistes: la compassion est le fait de quelques uns parmi les hommes, tandis que l'intérêt constitue le moteur principal et de la majorité d'entre eux.
C'est pourquoi je crois que les apports de la science (l'éthologie animale) sont absolument décisifs pour faire avancer la cause des animaux, et que la philosophie doit s'en servir pour faire avancer sa réflexion.
Compassion et éthologie ne sont pas inconciliables. C'est à cette complémentarité de l'éthique et de la science que doit oeuvrer la philosophie morale.
Quoiqu’il en soit, je trouve très important que le débat continue. Voir les pages de mon blog:
http://chemins-de-philosophie.over-blog.com/2014/01/10.-des-hommes-et-des-b%C3%AAtes.html

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